Ils s’appellent Alphonse, Louise, Joseph, Marie ou encore Scholastique, Isidore, Hedwige et Jacquemart. Des noms par milliers qui composent mon passé, celle que je suis aujourd’hui, celle que nous sommes. Qui tracent des époques entières d’histoire de France, Belgique et Pologne. Mon histoire. A travers mes recherches généalogiques, ils me sont devenus plus proches, moins inconnus, comme familiers, traçant des branches entières de vies, de pertes, de découvertes. Du siècle dernier et celui encore avant, remontant jusqu’à Hugues Capet ou s’arrêtant précipitamment parce qu’une histoire a commencée sur le parvis d’un hôpital. Emue par certaines découvertes, par des photos anciennes, des maisons et des rues qui me sont devenues familières, j’avais envie de sortir de mes arbres, de mes fiches individuelles et leur donner vie, me questionner et renouer avec l’Histoire.
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Les mineurs
Il y a des métiers qui revenaient souvent lorsque j’ai fait ma généalogie : journaliers, laboureurs, tisserands et même menuisiers, cabaretiers ou bergers de père en fils. Des métiers qui ont écrit notre histoire d’une façon ou d’une autre, des métiers qui ont questionné parfois comme ce couvreur de paille qui a évolué au fil des siècles et des générations pour devenir le couvreur que nous connaissons. Et pourtant, il y en a un tout juste qui m’a attiré parce qu’en plus de faire partie de notre histoire familiale, il fait partie de celui de ma région : le Nord-Pas-de-Calais. Une région encore hantée par les mines et les corons, une région encore salie par le charbon et le regard en coin des familles beaucoup trop nombreuses et pauvres de la région. Ils viennent du Nord ou Pas-de-Calais, mais se retrouvent tous au même endroit : aux mines. Ils avaient le visage noirci par la suie et les poumons très certainement abimés bien avant l’âge, la toux typique et la silicose qui résonne encore dans les esprits. Ils avaient la peau charbonnée et cette tenue typique qui a frappé mes yeux, loin de celle que l’on découvre partout dans les livres. Ils protègent leur visage autant qu’ils le peuvent, mais assurément, pas assez encore. Ils sont houilleurs et parfois même galibot.
Le galibot
C’est ce petit enfant de moins de 15 ans, assez léger et assez menu que l’on envoie dans les endroits étroits, c’est ce petit garçon tout frêle que l’on envoie aux mines pour nourrir les autres de la fratrie beaucoup trop nombreuse, comme Siméon qui n’a pas encore treize ans quand il entre aux mines de Lens en 1897 aux côtés de son père et de ses frère. Il est le 10ème enfant d’une trop grande fratrie d’au moins 12 enfants. Ces mêmes mines qui prendront son père trois ans plus tard, à l’aube du nouveau siècle.
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Siméon ne quittera jamais la mine de Bethune, si son père était bûcheron et son grand-père descendait d’une longue lignée de bergers, lui ne connaitra jamais le travail au grand air.
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Des dizaines de mineurs
Mais dans mon arbre, Siméon n’est pas le seul à vivre au rythme des mines, il y a Romain, mon SOSA 8 (arrière-grand-père), pas si lointain, c’était dans les années 1930 ou encore Renaud W. qui entra dans les mines en 1892 jusqu’en septembre 1914, appelé au front pour combattre. Les archives sont remplies de papiers et de renseignements et je souris en pensant à François B, soldat pendant la grande guerre, maçon de profession, qui se retrouve aux mines de Lens après la guerre, dans la fosse 1, mais en sortira moins d’un an après pour le motif suivant « ne touche pas au charbon ». J’ai le cœur serré en voyant les vies défiler sur ces pages d’archives des mines et à toutes ces générations au visage noir de suie. Celle qui a chauffé les foyers et noircis les maisons briquées par les femmes entourées de dizaines d’enfants qui, eux aussi,, connaitraient les fosses jusqu’au début des années 1990 et la fermeture des mines du Nord-Pas-de-Calais.